On entend partout parler des miracles supposés des compléments alimentaires. Sur Instagram, sur TikTok, même les parents d’élèves en vantent les bienfaits à la sortie de l’école. Pourtant, l’an dernier, plus de 2 000 cas d’effets indésirables graves liés à ces produits ont été recensés en France. Certains y voient une solution facile pour combler des carences, perdre du poids ou booster son énergie. Mais le danger est là, souvent bien caché derrière des promesses marketing alléchantes. Qui aurait cru que parfois, un banal flacon de vitamines peut mener aux urgences ?
En France, un adulte sur trois consomme des compléments alimentaires au moins une fois par an. Entre comprimés de magnésium, gélules de spiruline, poudre de collagène et « brûleurs de graisse » vendus en ligne, l’offre explose. Les pharmacies, parapharmacies et même les rayons des supermarchés débordent de ces produits. Mais contrairement à ce qu’on imagine, la majorité de ces compléments ne sont pas soumis aux mêmes contrôles stricts que les médicaments. Un simple avertissement sur la boîte, et voilà, ils sont sur le marché. Les fabricants n’ont même pas l’obligation de prouver l’efficacité – parfois même l’innocuité – de ce qu’ils vendent. La DGCCRF (Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes) trouve chaque année des produits non conformes ou carrément dangereux. Certaines marques ajoutent du principe actif non autorisé, ou en excès, histoire que les effets se ressentent… quitte à créer de gros dégâts chez les consommateurs.
Le fait que le marché soit aussi vaste rend la vigilance indispensable. On estime que près de 25 000 références sont disponibles en France, et une grande partie circule sur Internet, avec des provenances douteuses. On trouve de tout : cocktails de plantes exotiques, vitamines surdosées, minéraux, probiotiques, extraits d’algues, poudre de collagène, et même des mélanges miracle pour perdre du poids ou améliorer la mémoire. Le problème, c’est qu’il se glisse souvent dans ces gélules une dose qui dépasse largement la dose journalière recommandée. Selon un rapport de l’ANSES publié en 2023, une prise non encadrée de certains suppléments peut entraîner des complications hépatiques, cardiaques, rénales, ou déséquilibrer l’organisme de façon insoupçonnée.
Le pire, c'est que la plupart des consommateurs n’en parlent pas à leur médecin, persuadés qu’il s’agit de « simples vitamines ». Mais mélanger des compléments avec un traitement médical, ou avec d’autres compléments, peut provoquer des interactions inattendues. Une enquête de 2024 menée sur 3 000 utilisateurs français révèle que 43 % n’avaient jamais informé leur médecin traitant de leur consommation de compléments. C’est ce silence qui, souvent, aggrave les risques.
On pense encore trop volontiers qu’une vitamine C de trop, ça part juste dans les urines. Mais les effets des excès peuvent aller bien plus loin. Par exemple, un surdosage de vitamine D – largement vantée pour « renforcer » l’immunité – peut entraîner une hypercalcémie, provoquant nausées, troubles cardiaques, et à terme, une insuffisance rénale. En 2022, la SPF (Santé Publique France) a annoncé une augmentation de 40 % des cas d’intoxication à la vitamine D chez les enfants depuis le boom des ventes en ligne.
Ce n’est pas tout. Prendre trop de fer, surtout sans carence avérée, surmène le foie et peut favoriser le diabète de type 2. Les compléments à base de plantes, comme le millepertuis pour « améliorer l’humeur », sont réputés pour interagir avec les contraceptifs et certains antidépresseurs, annulant leur efficacité. Cerise sur le gâteau ? Les brûleurs de graisse commercialisés sous forme de tisanes ou de gélules contiennent parfois des stimulants proches de l’amphétamine, interdits mais dénichés sur Internet. Dès 2021, l’ANSES a mis en garde : « Les profils les plus à risque sont les femmes enceintes, les enfants, les personnes âgées et les personnes souffrant de maladies chroniques ». Nous ne sommes pas tous égaux face aux compléments, loin de là !
Derrière la mode des cures saisonnières, des cocktails « beauté » pour cheveux et ongles ou des boosters de mémoire pour préparer les examens, se cache un risque méconnu : l’accumulation insidieuse de substances actives. Impossible de s’en rendre compte tout de suite. Parfois, les effets n’apparaissent qu’au bout de plusieurs mois. Nausées, fatigue chronique, irritabilité, maux de tête, perte de cheveux… Autant de signes qui devraient alerter, surtout s’ils apparaissent sans raison apparente. Pourtant, la plupart du temps, on ne pense pas aux gélules comme origine possible de ces soucis.
Les autorités sanitaires recensent chaque année des centaines de signalements d’effets indésirables liés aux compléments alimentaires. Le dernier rapport du réseau de nutrivigilance (2023) recense même plusieurs accidents cardiaques chez des jeunes adultes après la prise de produits pour la musculation trouvés sur Internet. Les sportifs, les femmes enceintes, les enfants, mais aussi les seniors sous traitement médicamenteux : ce sont les profils les plus vulnérables.
Public à risque | Exemple de complications |
---|---|
Femmes enceintes | Malformations fœtales (excès vitamine A) |
Enfants | Hypercalcémie, troubles rénaux |
Seniors polymédicamentés | Interactions médicamenteuses, confusion, chutes |
Sportifs | Cardiopathies, troubles musculaires |
Personnes avec maladies chroniques | Déséquilibre glycémique, hypertension |
Élise, ma fille, voulait commencer une cure de compléments pour cheveux après avoir vu des influenceuses sur YouTube. Je me suis penchée sur la question et j’ai découvert que plusieurs « cures » contenaient du sélénium à dose très haute, alors que le surdosage peut causer des troubles digestifs et des problèmes cutanés persistants. Même chose pour le zinc, dont l’excès chronique fatigue le système immunitaire au lieu de le renforcer. Il existe des cas d’intoxication chronique chez de jeunes adolescentes après des surconsommations, notamment avec des cocktails multi-vitamines achetés en ligne.
Une citation marquante de la professeure Agnès Decherchi, responsable de la Nutrivigilance à l’ANSES, résume bien la situation :
« Les compléments alimentaires ne sont pas des bonbons, mais de véritables concentrés de substances actives qui peuvent déclencher des effets graves, surtout lors d’une consommation inappropriée ou sur la durée. »
Un autre point est parfois négligé : les allergies croisées. Un simple complément à base de plantes, comme la gelée royale ou le pollen, peut provoquer un choc anaphylactique chez les personnes allergiques. Sur le terrain, ce type de cas n’est pas rare en pharmacie, selon la revue Prescrire, surtout au printemps, quand tout le monde veut « booster » son immunité.
Premier réflexe à adopter : parler systématiquement à son médecin ou à un pharmacien avant d’entamer une cure. Surtout si on prend déjà des médicaments, est enceinte ou si on offre des compléments à un enfant. L’automédication à base de compléments est la plus grosse source de risques aujourd’hui, car personne ne contrôle vraiment la quantité cumulée sur plusieurs produits. Faites attention aux publicités vantant des « résultats garantis » ou des photos avant/après spectaculaires, et fuyez les achats sur des sites douteux.
Un autre bon réflexe, c’est de tenir un journal de bord : notez chaque jour ce que vous prenez (marque, quantité, durée). Cela permet de repérer tout symptôme inhabituel rapidement. Si vous ressentez fatigue, maux de ventre, boutons ou tout autre signe bizarre, stoppez immédiatement et consultez. Souvent, les symptômes disparaissent à l’arrêt du complément.
Si l’alimentation est équilibrée, il est rare d’avoir besoin de compléments. En France, les carences avérées sont rares, à l’exception peut-être de la vitamine D en hiver ou de la B12 pour les vegans stricts, mais là encore, un avis médical est toujours préférable à l’auto-diagnostic.
Les études scientifiques sérieuses sur l’efficacité réelle des compléments alimentaires sont très partagées. Une large étude américaine (JAMA, 2022) sur plus de 20 000 adultes a montré que la consommation quotidienne de multivitamines n’avait aucun effet significatif sur la mortalité ou la survenue de maladies graves chez les personnes bien portantes. À l’inverse, l’usage mal encadré peut causer des effets secondaires, voire aggraver certains états de santé.
En France, la mission des autorités sanitaires (ANSES, AFSSAPS, DGCCRF) est de surveiller le marché, d’informer le public et de retirer du marché les produits dangereux. Entre 2023 et 2024, une trentaine de produits à base de « plantes pour maigrir » ont été retirés après des signalements d’accidents cardiaques ou hépatiques. Même la musicienne célèbre Clara Luciani a partagé qu’elle avait dû interrompre brusquement une cure de compléments à base de ginseng, après des troubles du rythme cardiaque liés à une interaction avec un antalgique banal.
Les professionnels recommandent de déconstruire les croyances autour des compléments alimentaires. Prendre une pilule chaque matin ne compense pas un sommeil de mauvaise qualité, un stress chronique ou une alimentation déséquilibrée. Les vraies clés restent l’activité physique, le repos, la gestion du stress et des repas variés.
Il y a parfois une vraie détresse derrière l’achat compulsif de compléments, et il vaut mieux en parler avec un professionnel de santé. On ne le rappelle jamais assez : la prévention passe par l’information. Les compléments alimentaires doivent rester une exception, pas la règle.
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