Quand on pense à la musique folklorique française, on imagine souvent des danses en cercle, des fêtes de village et des vêtements brodés. Mais ce qui donne vraiment vie à ces moments, c’est l’instrument. Pas n’importe quel instrument : celui qui a été façonné par les mains des paysans, des bergers, des mariniers, et qui a traversé les générations sans jamais se perdre. En France, les instruments traditionnels ne sont pas juste des objets. Ce sont des témoins d’histoires, de terroirs, de langues oubliées. Et ils se rangent en quatre grandes familles, chacune avec son son, sa place et sa raison d’être.
Instruments à cordes : l’âme des campagnes
Les instruments à cordes sont les plus nombreux et les plus variés dans la musique folklorique française. Ils racontent les journées de travail, les amours perdues, les récoltes. Le biniou breton, par exemple, n’est pas un simple cornemuse : c’est un instrument à double chalumeau, joué en duo avec le bombard, une sorte de hautbois en bois. Ensemble, ils créent un son aigu, perçant, qui fait danser les pierres des chemins de Bretagne. En Auvergne, c’est le vielle à roue qui domine. Elle ressemble à un violon avec un rouleau en bois que l’on fait tourner à la main. Ce n’est pas un instrument facile : il faut jouer de la main droite tout en actionnant la roue de la gauche. Pourtant, c’est elle qui accompagnait les bergers dans les montagnes, depuis le Moyen Âge.
En Provence, on trouve le citole, une sorte de luth à trois cordes, souvent utilisé pour accompagner les chants de Noël. En Alsace, le klapfoed - une petite guitare à manche court - est le compagnon des veillées d’hiver. Ces instruments ne sont pas fabriqués en usine. Ils sont faits à la main, avec du bois local, des boyaux de mouton pour les cordes, et des métaux récupérés. Leur son est chaud, un peu gras, parfois dissonant, mais toujours sincère.
Instruments à vent : le souffle des montagnes et des vallées
Les instruments à vent sont ceux qui parlent le plus directement à l’âme. Ils ne nécessitent pas de doigts précis, seulement un souffle vrai. En Occitanie, le galoubet - une petite flûte à trois trous - est joué en trio avec le tambourin, un petit tambour à cordes. Ce duo est l’âme du carnaval de Gap et des fêtes de Saint-Jean dans les Alpes. Le son du galoubet est aigu, presque criard, mais il résonne dans les ruelles étroites comme une voix qui appelle.
En Corse, le pifferu est une flûte en roseau, souvent taillée par le joueur lui-même. Il est utilisé pour accompagner les chants polyphoniques, où trois voix s’entrelacent comme des branches dans le vent. En Pyrénées, le buisine - une sorte de clarinette en bois - est joué lors des fêtes de la transhumance. Les bergers le font sonner pour guider les troupeaux, et aussi pour dire bonjour à ceux qui habitent les hameaux lointains.
Ces instruments ne se trouvent pas en magasin. Ils sont fabriqués par des artisans qui connaissent les saisons : le roseau est coupé en juin, le bois de buis est séché pendant deux ans. Leur son change selon l’humidité, la température, la hauteur. Ce n’est pas un instrument parfait - c’est un instrument vivant.
Instruments à percussion : le rythme qui fait bouger les pieds
Le rythme, c’est le cœur de la musique folklorique. Et ce cœur, c’est la percussion qui le fait battre. En Bretagne, le tambourin à cordes n’est pas un simple tambour. Il a des cordes tendues sous la peau qui vibrent quand on le frappe. Ce bruit, c’est le « clac-clac » qui accompagne les danses de la bourrée. En Normandie, les castagnettes en bois sont utilisées pour marquer les pas des danses de fête. Elles sont souvent faites à partir de morceaux de charrue ou de charpente ancienne.
En Alsace, le schlager - une sorte de grelot fixé à la ceinture - est utilisé par les danseurs pour accentuer les mouvements. En Languedoc, le caisse claire en bois, sans fûts métalliques, est frappée avec des baguettes en noyer. Elle ne sert pas à faire du bruit : elle sert à dire quand il faut tourner, quand il faut sauter, quand il faut ralentir.
Les percussions folkloriques ne sont pas des accessoires. Elles sont des outils de coordination. Dans les villages, les enfants apprennent à les jouer avant d’apprendre à lire. Parce que le rythme, ici, c’est la mémoire collective. C’est ce qui fait qu’une danse de 1820 peut encore être reproduite exactement aujourd’hui.
Instruments à cordes pincées : les oubliés du folklore
On oublie souvent cette famille, mais elle est essentielle. Les instruments à cordes pincées sont les plus discrets, mais aussi les plus riches en nuances. Le psaltérion - une petite cithare à cordes métalliques - était joué dans les monastères du Sud-Ouest au XIIe siècle. Il a disparu pendant des siècles, avant d’être redécouvert par des chercheurs dans les archives de Toulouse. Aujourd’hui, quelques musiciens le rejouent dans les festivals de musique ancienne.
En Provence, le mandolin est entré dans le folklore au XIXe siècle, apporté par les migrants italiens. Il a remplacé le citole dans les fêtes de village, car il était plus facile à transporter et plus fort. En Lorraine, le théorbe - une sorte de luth à long manche - était utilisé pour accompagner les chants de travail dans les mines. Il a été oublié après la fermeture des mines, mais des associations locales le réapprennent aux jeunes.
Ces instruments sont rares. On en trouve peut-être une dizaine en France, entre les musées et les mains des amateurs. Mais ils sont là. Et chaque fois qu’un musicien les reprend, il réveille une partie de l’histoire que l’on croyait perdue.
Pourquoi ces quatre familles comptent encore aujourd’hui
Les instruments folkloriques ne sont pas des reliques. Ils sont vivants. Dans les écoles de musique en Bretagne, les enfants apprennent le bombard comme ils apprennent le piano. À Lyon, des ateliers de fabrication de vielles à roue se multiplient. À Perpignan, les jeunes créent des morceaux en mélangeant le galoubet avec des beats électroniques.
Ces quatre familles - cordes, vents, percussions, cordes pincées - ne sont pas des catégories arbitraires. Elles correspondent à la manière dont les gens ont appris à produire du son avec ce qu’ils avaient sous la main. Le bois, la peau, le roseau, les métaux récupérés. Ce n’était pas un choix artistique. C’était une nécessité. Et c’est cette nécessité qui leur donne leur force.
Quand on entend une cornemuse bretonne, ce n’est pas juste un son. C’est le vent de la côte, le bruit des vagues, le pas des vaches dans les prés. Quand on entend une vielle à roue, c’est le silence des hivers, les soupirs des fermiers, les chansons murmurées à la lumière d’une chandelle. Ces instruments ne sont pas faits pour être admirés. Ils sont faits pour être joués. Et tant qu’il y aura quelqu’un pour les faire chanter, la musique folklorique française ne mourra pas.
Quel est l’instrument le plus populaire dans la musique folklorique française ?
L’instrument le plus répandu est la vielle à roue, surtout dans le centre et le sud de la France. Mais en Bretagne, c’est le bombard et le biniou qui dominent. La popularité dépend fortement de la région. Il n’y a pas d’instrument « national » : chaque territoire a le sien.
Peut-on acheter un instrument folklorique en ligne ?
Oui, mais attention. Beaucoup d’instruments vendus en ligne sont des copies industrielles, fabriquées en Chine ou en Pologne, avec des matériaux synthétiques. Ils sonnent faux et ne durent pas. Pour un vrai instrument, il vaut mieux passer par des artisans locaux, souvent présents dans les festivals ou sur les sites des associations de musique traditionnelle. Un bon bombard breton coûte entre 600 et 1 200 €, et il est fait sur commande.
Les enfants apprennent-ils encore ces instruments à l’école ?
De plus en plus. Dans les zones rurales et dans certaines villes comme Rennes, Lyon ou Toulouse, des classes de musique traditionnelle existent dans les écoles publiques. Les enseignants sont souvent des musiciens professionnels qui viennent du milieu folklorique. Ce n’est pas encore partout, mais c’est en croissance. L’important, c’est que les enfants apprennent à jouer, pas seulement à écouter.
Pourquoi certains instruments sont-ils presque disparus ?
Parce que les communautés qui les utilisaient ont disparu. Les bergers ne montent plus en alpage avec leurs troupeaux. Les mines sont fermées. Les villages se vident. Sans ces contextes, les instruments perdent leur sens. Mais ce n’est pas fini. Des chercheurs, des musiciens et des artisans travaillent à les redécouvrir, à les réapprendre, à les adapter. La musique folklorique ne se conserve pas dans un musée : elle se réinvente.
Quelle est la différence entre un instrument folklorique et un instrument de musique classique ?
Les instruments classiques sont standardisés : chaque violon est fait selon des normes précises pour sonner de la même façon partout. Les instruments folkloriques, eux, sont faits à la main, avec du bois local, et chaque modèle est unique. Leur son varie selon le fabricant, la région, la saison. Ce n’est pas un défaut : c’est leur force. Ils ne cherchent pas la perfection. Ils cherchent à raconter une histoire.

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