On l’entend souvent : Pythagore est le père de la musique. Mais est-ce vraiment vrai ? Si vous avez déjà entendu ce nom dans un cours de musique ou en regardant un documentaire, vous vous êtes peut-être demandé : comment un mathématicien grec de l’Antiquité pourrait-il être le père d’une forme d’art aussi vivante, instinctive et universelle que la musique ? La réponse n’est pas aussi simple qu’on le croit.
Pythagore et les cordes qui parlent
Pythagore, né vers 570 avant J.-C. sur l’île de Samos, n’était pas musicien. Il était mathématicien, philosophe, et fondateur d’une secte religieuse qui croyait que tout dans l’univers pouvait être expliqué par les nombres. C’est dans ce contexte qu’il aurait fait une découverte fondamentale : en accrochant des cordes de longueurs différentes à un instrument, il a remarqué que certaines combinaisons produisaient des sons agréables, d’autres, discordants.
La légende raconte qu’il passait devant une forge et entendait les marteaux frapper le métal en rythmes harmonieux. En mesurant leur poids, il a trouvé que les sons les plus beaux correspondaient à des rapports simples : 2:1 pour l’octave, 3:2 pour la quinte, 4:3 pour la quarte. Ce n’était pas de la musique, mais une règle mathématique. Et c’est là que tout change.
Avant Pythagore, les gens faisaient de la musique depuis des millénaires. Des flûtes en os découvertes en Allemagne datent de plus de 40 000 ans. Des tambours en céramique ont été trouvés en Mésopotamie. Les anciens Égyptiens jouaient du luth, des harpes, des sistrophones. La musique n’était pas une invention, c’était une pratique. Mais Pythagore a été le premier à la mesurer. Il a transformé une expérience sensorielle en système. Et c’est cette abstraction qui a changé le cours de l’histoire de la musique occidentale.
La musique avant Pythagore : des sons du quotidien
La musique n’a pas commencé dans un laboratoire grec. Elle est née dans les champs, les forêts, les cérémonies funéraires, les rituels de chasse. Les premiers instruments n’étaient pas conçus pour jouer des mélodies, mais pour répéter des battements, imiter des animaux, ou accompagner des chants collectifs.
En France, les instruments folkloriques en sont la preuve vivante. Le biniou en Bretagne, le cabrette en Auvergne, le basson en Provence - tous ces instruments n’ont pas été inventés par des savants. Ils ont été façonnés par des paysans, des bergers, des danseurs. Leur son était lié à la terre, à la saison, à la communauté. Personne ne mesurait leurs fréquences. Ils étaient juste là, dans les fêtes de village, les mariages, les veillées.
La musique folklorique n’a jamais cherché à être « parfaite ». Elle voulait être juste. Juste pour les oreilles du village, juste pour les pas de danse, juste pour rappeler une histoire. Ce n’est pas un système. C’est une mémoire.
La différence entre science et tradition
Pythagore a donné à la musique une structure. La gamme pythagoricienne, basée sur des quintes empilées, a été utilisée pendant des siècles dans l’Europe médiévale. Elle a permis de construire des églises sonores, des polyphonies, puis des symphonies. Elle a rendu la musique transportable, réplicable, enseignable.
Mais cette structure a aussi effacé des sons. Les micro-intervalles, les nuances de tonalité, les glissandos des instruments folkloriques - tout cela ne rentre pas dans une gamme pythagoricienne. Le vielle à roue en France, par exemple, produit des sons entre les notes, des sons que les claviers modernes ne peuvent pas reproduire. Ce n’est pas une erreur. C’est une richesse.
Les musiciens traditionnels n’ont pas besoin de théorie pour jouer juste. Ils apprennent par l’oreille, par l’imitation, par la répétition. Un enfant en Auvergne apprend la mélodie d’un galoubet en écoutant son grand-père. Pas en lisant une partition. Pas en calculant des rapports de fréquence. Il écoute, il sent, il répète. Et c’est cette transmission orale qui a gardé la musique vivante pendant des siècles, bien après que les théories grecques soient tombées en désuétude.
Qui est vraiment le père de la musique ?
Si on parle de théorie, de notation, de systèmes harmoniques - oui, Pythagore a posé les fondations de la musique occidentale. Il a inventé la musique comme science. Mais si on parle de musique comme expérience humaine, comme lien social, comme expression du cœur - alors le père de la musique, c’est l’humanité elle-même.
Chaque battement de tambour dans une fête de la Saint-Jean, chaque air de musette dans une brasserie de Lyon, chaque chant de berger dans les Pyrénées - ce sont là les véritables racines. La musique n’est pas née d’un théorème. Elle est née d’un cri, d’un soupir, d’un pas dans la boue, d’une main qui frappe un morceau de bois pour faire résonner la nuit.
Pythagore a décrit la musique. Il ne l’a pas créée.
Les instruments folkloriques : la mémoire vivante
En France, les instruments traditionnels sont les témoins silencieux de cette mémoire. Le biniou breton, avec son son aigu et perçant, n’a jamais été conçu pour jouer des accords. Il accompagne la bombarde, et ensemble, ils forment un duo qui fait vibrer les pierres des chapelles. Le galoubet, une petite flûte à trois trous, est joué depuis le Moyen Âge. Il n’a pas de clés, pas de mécanisme. Juste du bois, du roseau, et la respiration du musicien.
Le basson provençal, lui, est un instrument de fête. Il ne se joue pas en concert. Il se joue dans les rues, en marchant, avec les enfants qui dansent autour. Son son est rauque, imprécis, vivant. Il ne suit pas la gamme. Il suit le rythme des pas.
Et pourtant, personne ne les appelle « instruments primitifs ». On les appelle « traditionnels ». Parce qu’ils ne sont pas en retard. Ils sont ailleurs. Ils ne cherchent pas à être universels. Ils veulent être locaux. Exactement là où ils sont nés.
La musique aujourd’hui : entre théorie et racines
On peut encore entendre les sons de Pythagore dans les conservatoires, dans les orchestres symphoniques, dans les chansons pop modernes. Mais on peut aussi les entendre dans les festivals de musique folklorique, comme les Fêtes de la Saint-Jean en Occitanie, ou les Veillées du Puy-de-Dôme, où les musiciens jouent encore comme leurs ancêtres.
Ces deux mondes ne s’opposent pas. Ils se complètent. Un musicien peut apprendre la gamme pythagoricienne à l’école, puis rentrer chez lui jouer du vielle à roue en écoutant son grand-père. La théorie ne tue pas la tradition. Elle peut même la sauver.
La musique n’a pas un seul père. Elle a des milliers. Chaque personne qui a chanté, frappé, sifflé, joué un instrument à l’oreille, sans savoir pourquoi, était un père. Et chaque instrument qui a survécu à la modernité, parce qu’il portait une histoire, est un héritage vivant.
La musique ne se mesure pas. Elle se vit.
Le père de la musique n’est pas un homme. C’est une chaîne. Une chaîne de mains qui ont sculpté du bois, de l’os, du cuir. Une chaîne de voix qui ont répété des mélodies sans écriture. Une chaîne de pas qui ont dansé sur des sols de terre battue.
Pythagore a donné un nom à la musique. Mais ce sont les paysans, les bergers, les danseurs, les grands-mères qui l’ont fait vivre. Et c’est pourquoi, aujourd’hui encore, quand vous entendez un biniou résonner dans une ruelle de Quimper, ou un galoubet danser sous un chêne en Provence, vous entendez la musique telle qu’elle a toujours été : simple, sincère, et profondément humaine.
Pythagore est-il vraiment le père de la musique ?
Pythagore n’est pas le créateur de la musique, mais le premier à en avoir décrit les lois mathématiques. Il a établi les rapports entre les longueurs de cordes et les intervalles harmoniques, ce qui a posé les bases de la théorie musicale occidentale. Mais la musique existait déjà depuis des dizaines de milliers d’années, dans toutes les cultures humaines, avant lui.
Quels sont les instruments folkloriques français les plus anciens ?
Parmi les plus anciens, on trouve le galoubet (flûte à trois trous, attesté depuis le Moyen Âge), la vielle à roue (apparue au XIIe siècle), et le biniou (flûte bretonne, dont les formes primitives datent de l’Antiquité). Ces instruments ont été fabriqués localement avec des matériaux naturels et transmis oralement, sans écriture.
Pourquoi la musique folklorique ne suit-elle pas les règles de la théorie musicale ?
La musique folklorique n’a pas besoin de théorie pour être juste. Elle repose sur l’oreille, la mémoire et l’expérience collective. Les intervalles peuvent être légèrement décalés, les tons plus expressifs, les rythmes plus libres. Ces nuances ne sont pas des erreurs - elles sont des marques d’identité. Elles rendent chaque région sonore unique.
La musique traditionnelle est-elle en danger aujourd’hui ?
Elle est menacée par la standardisation culturelle et la disparition des transmetteurs. Beaucoup de musiciens traditionnels sont âgés, et les jeunes n’ont pas toujours accès à ces savoirs. Mais des initiatives locales - ateliers, festivals, écoles de musique traditionnelle - redonnent de la visibilité à ces pratiques. En France, des associations comme « Les Amis de la Vielle » ou « La Maison des Traditions » jouent un rôle clé dans leur préservation.
Comment la musique folklorique française est-elle liée à la terre et aux saisons ?
Beaucoup de chants et de mélodies sont directement liés aux cycles agricoles : les chants de moisson, les berceuses de l’hiver, les danses du printemps. Les instruments étaient souvent fabriqués avec des matériaux locaux - bois de chêne, peau de chèvre, roseau des marais. Le son de la musique reflétait l’environnement. C’était une musique de la terre, pas du studio.

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